Aymeric se reposait un peu sur son lit après la journée qu'il venait de vivre. Jamais il n'aurait cru qu'en venant parler au roi d'un sujet aussi délicat comme le fait qu'ils seraient frères se transformerait en problème pour le royaume ! Et il fallait dire aussi qu'il n'avait pas bien choisi son jour pour se présenter. Le roi n'avait pas été d'une humeur agréable durant tout l'entretien mais Aymeric ne pouvait pas lui en vouloir. Cela ne devait certainement pas facile de devoir gérer un royaume aussi grand que celui d'Angleterre, avec des ennemis qui cherchaient sans doute n'importe quel moyen pour lui voler le trône.
Le jeune homme se leva soudainement, ayant envie de lire un peu un de ses propres livres car il n'était pas question pour lui de venir à la cours sans avoir de lui occuper l'esprit. Dans son village natal, tout le monde avait toujours été surpris de le savoir si cultivé en plus d'être lettré. Il est vrai que le garçon avait toujours été très curieux, particulièrement en ce qui concernait l'histoire. Il connaissait les grandes lignes mais depuis le couronnement de Henry VIII, il est vrai qu'il ne savait que très peu de chose. Aussi, s'il en avait l'occasion, il irait à la bibliothèque du palais pour se cultiver d'avantage.
Suite à l'entrevue qu'il avait eu avec le roi, il avait suivie sa « protectrice », Lady Evangeline Chapuys pour apprendre déjà certaines leçons sur la façon de se tenir à la cours car le jeune homme n'y connaissait pas grand chose. Il avait d'ailleurs remercié le roi d'une façon bien maladroite mais ce n'était pas de sa faute. Lady Chapuys avait même profité pour faire revêtir l'adolescent d'habits plus appropriés pour son nouveau statut. Un statut qu'il n'avait rien demandé mais dont il n'avait guère le choix s'il voulait resté à Whitehall et garder sa tête. Il était tellement absorbé par sa lecture du roman du Renard qu'il n'entendit pas tout de suite que l'on frappait à sa porte.

- Oui entrez !

Alors que son visiteur entrait, il déposait le livre sur la table et ne fut à moitié surpris de voir qu'il s'agissait de Thomas Cromwell, le secrétaire du roi Henry VIII. Il le salua donc comme il se devait. L'avantage avec Aymeric, c'était qu'il apprenait très vite et qu'il était également excellent observateur. Le jeune homme sentait que le secrétaire ne lui faisait pas énormément confiance mais cela aussi, il ne pouvait pas lui en vouloir. Il n'était qu'un simple étranger aux yeux de tous. Il allait devoir jouer un rôle qui n'était pas le sien mais il allait aussi rester dans l'ombre, cacher sa véritable identité mais cela, d'autres personnes s'en étaient déjà chargées pour lui depuis sa naissance.

Lorsque le secrétaire du roi entra, ce fut en étant annoncé par un serviteur qui le précéda. Cromwell semblait observait un instant les appartements que l'on avait donné à Aymeric. Bien que ce n'étaient pas les plus luxueux, c'était déjà un très grand changement pour le jeune homme par rapport à son ancienne vie. Cromwell fit signe au serviteur de s'approcher afin qu'il puisse le présenter rapidement à l'adolescent. Le dénommé Robert Matthews salua respectueusement le jeune Aymeric qui le salua d'un signe de tête avant que celui-ci ne quitte la pièce sous l'ordre de Cromwell.

Cromwell : « J'espère que vos appartements vous conviennent, Monsieur. Je me suis entretenu avec le Roi au sujet de votre... condition. Il a décidé de vous nommer Chevalier Bachelier. »

Chevalier Bachelier ? Aymeric ignorait ce que cela voulait dire mais à l'expression que devait afficher son visage, le secrétaire du roi dut lui expliquer la signification bien qu'Aymeric comprit vite qu'il ne le faisait pas par plaisir ou gentillesse mais seulement parce qu'il se sentait obligé. Le jeune homme ne parlait pas souvent beaucoup mais il observait, y compris quand il est sous pression. Il ne savait pas comment il faisait mais dés que Thomas Cromwell, ainsi que le roi, il avait pu sentir un certain dégoût vis-à-vis de sa personne. Une chose dont Aymeric était certain, quelque soit le titre qu'il aura, il était sur qu'il reverra toujours cet air de dégoût sur le visage de Cromwell sur le visage de ce dernier et probablement pendant un petit temps pour le roi mais malgré tout, l'adolescent espérait encore que cela allait finir par changer avec le temps.

Cromwell : «Auparavant, c'était un titre qui se donnait aux personnes qui aspiraient à devenir Chevalier, des hommes de guerre. Mais le titre s'est peu à peu étendu aux personnes qui se trouvent hiérarchiquement entre les gentilshommes et les barons. Et comme vous ne possédez pas de biens ou de terres, c'était un choix de titre tout naturel. Les Bacheliers sont généralement nommés par le Roi en personne. Une cérémonie aura bientôt lieu au cours de laquelle votre titre vous sera donné officiellement. Vous serez alors connu sous le nom de "Sir Aymeric Whylder". Vous avez donc la permission de rester à la cour mais vous n'aurez aucunes responsabilités, à moins que Sa Majesté n'en décide autrement, cela va de soit. »

Aymeric n'en croyait pas ses oreilles. Il allait obtenir un titre que l'on donnait en fait aux hommes de guerres, comme l'on devait certainement faire à la cours du roi Arthur. Déjà enfant, il adorait les histoires du grand roi de Camelot. Il voulait même devenir un jour chevalier pour défendre la veuve et l'orphelin mais aussi la justice au nom du roi. Peut-être qu'un jour, il pourra combattre pour le roi mais d'abord, il lui faudra apprendre le maniement des armes.

Cromwell : « Ce titre vous donne droit à une rente de 1500 livres, ce qui sera assurément suffisant. Avez vous des questions Monsieur Whylder ?»

- Oui ! J'en ai quelques-unes ! D'abord, en ce qui concerne la cérémonie ! Que devrais-je faire et dire exactement ! Dans toute cérémonie, le roi fait un discours solennel et on doit répondre par un autre discours solennel si je me souviens bien de mes anciens cours. Je ne voudrais surtout dire quelque chose de travers surtout je ne connais pas encore assez bien le protocole.

Aymeric prenait tout ceci très au sérieux, même s'il était encore un peu dépassé par les évènements mais il ne voulait rien faire qui pourrait tout faire bousculer.

- Ensuite, je voudrais savoir si c'était possible que je puisse apprendre à manier une épée ou ce dont tout ce que gentilhomme est censé savoir faire depuis sa naissance ! Et où puis-je trouver des bibliothèques à Londres ?

Cela faisait peut-être beaucoup de question d'un seul coup mais tant que le jeune homme avait le secrétaire à disposition, autant en profiter un peu.

L'entrain d'Aymeric semblait au moins faire plaisir à son visiteur. Ce dernier paraisait amusé vu son petit sourire, ce qui devait être rare vu l'air sérieux qu'il avait pris dans la salle d'audience devant le roi et à son entrée dans les appartements du jeune homme.

Cromwell : «  Vous ne ferez et ne direz rien. La cérémonie sera privée, elle aura lieu en présence de Sa Majesté, du cardinal Wolsey et de moi même. Le Roi va simplement vous donner l'accolade et vous proclamer Bachelier. C'est tout. »

L'adolescent avait un peu de mal à imaginer la scéne de la dite cérémonie, n'en ayant jamais vue de sa vie. Mais à son grand étonnement, le secrétaire du roi prit la parole lorsqu'Aymeric fit allusion à la chevalerie, ce qui plut beaucoup au jeune homme.

Cromwell : « Mais, après avoir fait vos classes, vous pourrez devenir Chevalier, auquel cas vous passerez une nuit entière à prier à la Chapelle dans une robe blanche en tenant une croix rouge, le blanc qui symbolise évidement la clarté et le rouge qui représente le sang que vous êtes prêt à verser pour votre Roi. Le lendemain, une cérémonie aura lieu, en présence des plus nobles membres de la cour. Vous prononcerez le Serment des Chevalier, la main sur l'évangile et le Roi vous donnera l'accolade, et vous serez véritablement un Chevalier. Le jour suivant, vous devrez montrer votre courage et votre bravoure en participant aux joutes. Vous pourrez ensuite prétendre à intégrer les Chevaliers de la Jarretière par exemple... »

Les yeux d'Aymeric brillaient à présent comme des petites étoiles filantes dans le ciel. Depuis son enfance, il rêvait d'être chevalier comme à l'époque du roi Arthur, même si le livre qu'il avait reçu pour ses six ans par feu Henry VII était plus tiré d'une romance que de la réalité mais cela avait beaucoup marqué le jeune garçon qui se voyait combattre l'ennemi en armure et brandissant une épée en main juste avant de lancer l'assaut. Mais il se doutait comme même qu'il ne devait pas être facile de devenir réellement chevalier. Il devait avoir certaines conditions comme être expert dans le maniement des armes, chose qu'il n'était pas le cas pour le jeune Aymeric.

Cromwell : « N'avez vous jamais manié d'armes avant Monsieur Whylder ? Vous pourrez vous adresser au capitaine de la garde, Sir Antony Gallows, il saura vous entraîner et ne pourra pas refuser de former un Bachelier. Quant aux bibliothèques, pourquoi se rendre à Londres ? Le Whitehall palace renferme une des plus grandes bibliothèques du monde. Vous y trouverez des manuscrits uniques, alors prenez en soin. »

Aymeric ne fit pas trop attention au ton sarcastique qu'avait employé Cromwell mais il avait écouté avec la plus grande attention des informations qu'il lui donnait. Aprés la cérémonie, il se promit d'aller voir ce Sir Antony Gallows pour lui demander s'il accepterait de lui prodiguer quelques leçons d'escrime. A seulement dix-sept ans, la vie d'Aymeric semblait prendre un tout autre chemin que celui qu'il pensait être déjà tracé depuis sa naissance.

- Ne vous inquiétez pas pour les livres ! J'y prendrai grand soin ! Au fait, où puis-je trouvé Sir Antony Gallows lorsque j'irai lui demander pour les leçons d'escrime ?

Pour ce qui est de la bibliothèques de Whitehall Palace, il n'aura qu'à le demander à son « serviteur » attitré.

A la manière dont Cromwell fronça les sourcils tout en le dévisageant, le jeune homme comprit, mais un peu tard, qu'il commençait à agacer un peu le secrétaire du roi et ce que ce dernier lui dit par la suite ne fit que confirmer ce qu'il pensait. Bien qu'il n'était qu'à moitié de sang royal, il était considéré comme un simple bâtard par certaines personnes, et Cromwell ne faisait pas exception. Le secrétaire, qui était prés de la porte, s'approcha lentement du jeune homme et lui tint ses paroles :

Cromwell : « Monsieur Whylder, si je puis me permettre, vous apprendrez très vite que pour survire à la cour, il vous faudra apprendre à vous débrouiller par vous même.»

L'adolescent pouvait voir son sourire qu'il devina forcé et faux à la fois. L'homme ne l'aimait pas et il ne s'en cachait point du tout mais Aymeric étant quelqu'un d'un rang ... important si l'on peut dire, il devait faire preuve de courtoisie. Se rapprochant encore plus de lui, il lui donna encore quelques petits conseils mais dans un murmure à présent :

Cromwell : « Méfiez vous de tout le monde, tenez vous en au protocole et n'accordez jamais toute votre confiance à un homme, s'il n'est pas votre Roi. Restez fidèle à ce que vous dicte votre conscience. Croyez moi, Monsieur Whylder, je suis moi aussi un homme d'en bas. Ce monde est hostile pour les gens tels que nous...»

Le jeune homme voyait bien que le secrétaire était on ne peut plus sérieux vu le regard profond et pénétrant que lui lançait ce dernier. D'ailleurs, Aymeric sentit ses poils s'hérisser sur tout son corps. Il était maintenant certain d'une chose : l'homme ne l'appréciait pas et ne voulait certainement pas changer d'avis à son sujet. Aymeric ne comprenait pas pourquoi cet homme semblait éprouver de la haine envers lui puisqu'ils venaient du même monde. Qu'avait-il fait de mal pour une telle hostilité ? Etait-ce un crime d'être encore honnête dans ce monde ? En tout cas, le jeune homme ne désirait pas trop changer sa manière de penser. Son mode de vie changeait mais lui, il n'en était pas question. Il resterait lui-même tout en ayant un nouveau rang.
Alors que Cromwell tournait les talons et se dirigeait définitivement vers la porte, il adressa une dernière remarque au jeune homme :

Cromwell : « Votre serviteur saura assurément trouver Sir Gallows.»

- Je le lui demanderai ! Merci beaucoup monsieur Cromwell !

Le secrétaire sortit donc des appartements d'Aymeric qui avait clairement bien compris que malgré sa bonne volonté, personne ne lui faisait confiance. Il allait devoir faire ses preuves et montrer qu'il était un homme digne de confiance. Il ne sera plus un bâtard mais quelqu'un, même s'il n'a que le titre de "Sir Aymeric", il sera quelqu'un d'honnête, de droit et de juste, comme on le lui avait toujours appris.